Nota : j’ai découpé ma réflexion en plusieurs articles un peu comme un fil Twitter pour éviter l’effet de « pavé ». C’est déjà assez long comme ça.
Il faut bien reconnaître que nous vivons une époque étonnante qui pousse à son paroxysme la mode que j’appellerais « éditorialiste » :
On abreuve les téléspectateurs d’émissions présentées sous forme de débats télévisuels où des « éditorialistes » plus ou moins permanents et payés pour avoir un avis sur tout (et surtout un avis débrouillez vous pour retrouver la référence ^^), côtoient des politiques et des intervenants « moins permanents » : témoins, journalistes, philosophes et « alibis » techniques.
Les alibis techniques sont ces intervenants « exceptionnels » présentés comme experts d’un sujet… quand on trouve de vrais experts qui veulent… hé bien c’est parfait… quand on n’en trouve pas on les fabrique avec ce dont on dispose : journalistes spécialisés (c’est parfois moindre mal), experts d’un domaine proche ou anciens experts que l’on ressort de la naphtaline, expert d’un truc qui n’a rien à voir, « gens qui ont creusé le sujet », chefs d’entreprise, influenceurs… en fait peu importe tant qu’on peut dire à l’antenne « Alors vous qui connaissez bien le sujet que pouvez vous dire à nos téléspectateurs ? »
Ces plateaux de télévision structurés comme des « arènes » de débat d’idées ont ceci de pervers c’est qu’elles nivellent la crédibilité de la parole « par le milieu » : il suffit d’affirmer quelque chose d’absolument idiot avec le bon niveau d’assurance, et l’expert (supposons le -ou la- compétent-e-) en face, qui bien évidemment se rend compte de l’idiotie de l’affirmation ne pourra qu’affirmer avec la même assurance « absolue » son désaccord.
A l’assurance-mètre les deux paroles seront à égalité ou alors l’expert devra entrer dans une longue justification technique, si on le laisse parler, où ce qu’il gagnera en démonstration sera perdu en « points de sympathie »…
Au final on se retrouve à voir diffuser des affirmations délirantes, et ce sans fact-checking sérieux, dans des chaînes ayant pignon sur rue… Des affirmations que l’on a même arrêtées de compter : l’inutilité des masques, voire leur contre-productivité (lol)… l’idée qu’on ne se contaminerait pas dans les transports en commun, ni à l’école, ni au travail, pas même dans les grands « open-space » où tout le monde respire le même air pendant des heures… l’idée que l’on se contaminerait plus le soir ou la nuit qu’en journée (à laquelle on doit l’instauration des couvres-feux de ridicule mémoire).
En revanche la mise en place de quarantaines aux points d’arrivée (ports, aéroports, trains venant de l’extérieur, routes aux frontières) n’a pas été faite sans que ça choque qui que ce soit…
On a pourtant des expériences cuisantes, en particulier dans le sud de la France avec les épidémies de peste. Et on sait ce que le viol de quarantaine (faut-il le rappeler pour des raisons bassement mercantiles) a eu comme conséquences à Marseille…
Bref le règne absolu des avis irrationnels, voire totalement idiots il faut bien se dire les choses on est entre nous, s’est imposé avec un tel degré de cacophonie sur les plateaux télévisés que les pauvres téléspectateurs étaient bien en peine de séparer le propos rationnel du délire de pilier de bar.
Ne sautons cependant pas tout de suite sur l’interprétation « complotiste ».
Notons bien, et j’en profite pour coller une tape derrière les oreilles de ceux qui ont à tout bout de champ le mot « complotisme/complotiste » à la bouche pour dénigrer en vrac et en bloc les paranoïaques voyant des complots d’état de partout et ceux qui trouvent que certaines connivences se voient un peu trop et que ça fait « tâche » dans le paysage.
Au passage il faut se rappeler qu’un un complot, dans l’absolu, relève du domaine du possible, et l’histoire en regorge tous plus sordides les uns que les autres… empoisonnements, assassinats, réputations ruinées, prises de contrôle… bien malin celui qui pourrait affirmer sans se tromper qu’il n’y a pas de complot petit ou grand en préparation quelque part.
J’ai tendance dans ce domaine à user du rasoir d’Ockham : quand plusieurs explications sont possibles la plus simple est souvent la bonne. Et son petit corollaire vitriolé le rasoir de Hanlon : « Ne jamais attribuer à la malveillance ce que la bêtise suffit à expliquer ». Dans le contexte actuel je n’irai pas jusqu’à parler de bêtise, le terme est peut être un peu fort… mais plus volontiers d’inconscience, d’aveuglement, de manque d’écoute et de bon sens… Le stress et la panique n’aidant pas à l’écoute reconnaissons collectivement cette circonstance atténuante.
Le problème c’est qu’un politique, pressé de partout, entouré d’informations contradictoires, accroché comme les autres derrière sa télévision, entouré de « sachants » qui ne savent parfois guère plus que l’ignorant d’à côté (mais ne l’admettront pas de peur de perdre du crédit)… fut il Ministre de la Santé, fut il Premier Ministre, fut il même Président de la République et persuadé d’être brillant, reste sujet à l’aveuglement, au manque d’écoute, et finalement au risque de prendre de mauvaises décisions voire de raconter d’énormes bêtises avec des conséquences potentiellement graves.
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